Slogan : ni nucléaire, ni effet de serre

Nathalie Pierre

Projet de Nathalie Pierre sur les Bozos et les Yégous > Origine > Retour Présentation

Bozos et Yégous, maîtres de l'eau

Dans la trilogie documentaire des peuples Bozos et Peuls, nomades de la Boucle du Niger :

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de Nathalie Pierre


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de Eric Veyssy

Tout a commencé par un étrange récit, entendu en France et rapporté par un malien d’origine Bambara.
Cette histoire faisait allusion à un peuple de pêcheurs nomadisant sur le Niger, les Bozos, réputé pour avoir cette incroyable faculté de pouvoir passer des heures, des semaines, des mois sous l’eau…
Puisque régulièrement j’effectuais des transsahariennes, allant de deux à six mois, il était clair que le prochain voyage, le prochain arrêt au Mali, vérifierait la véracité de ces dires.

Nombreux furent les maliens, quelque soit leur ethnie, à Bamako, qui me relatèrent l’histoire véridique et légendaire  de Sombata, décédée, qui vécu dix sept ans sous l’eau en compagnie de génies aquatiques, les Yégous. Ces derniers sont reconnus comme ayant des similitudes avec les Européens : un teint relativement clair, de long cheveux noirs, enroulés sous leurs fesses pour s’asseoir, têtes baissées, car qui surprend leur regard devient fou. 

    A Ségou, je rencontrai un vieux Bozo qui par respect pour l’islam et pour ne pas être banni de sa communauté, s’était retiré de toute pratique animiste. Par contre, il me confia le nom d’un autre ancien, réputé pour avoir les « grandes connaissances », vivant sur le Bani, un affluent du Niger…

C’est à l’embarcadère permettant de se rendre à Djenné, ville fondée par le peuple Bozo, que je rencontrais Mamadou et Yssouf Kayentao, bateliers et pêcheurs Bozos, résidant avec leurs familles dans des paillotes sur les rives du Bani. Leur nom est celui d’une des premières familles de Djenné.

Convertis à l’islam et peu intéressés par ma quête, ils acceptèrent pourtant de me conduire auprès de cet ancien vivant plus loin, en aval sur ce bras du Niger.

Au bout de deux entrevues, la magie pris corps dans la continuité de ce voyage par un singulier renversement de situation : Mamadou et Yssouf, traducteurs-pêcheurs, qui semblaient très détachés des récits, notamment sur les génies de l’eau, prirent les devants pour trouver ceux qui pouvaient enrichir et répondre au mieux à mon attente. Ils se réappropriaient ainsi leur histoire dans une sublime énergie.

De ce fait, ils m’expliqueront que l’islam représentait, pour eux, une sécurité mentale et physique, tant les pratiques magiques de leur peuple leur faisaient craindre de terribles combats alliés à la sorcellerie.

Sur ce, s’en suivront une série d'entretiens où se mêleront légendes, secrets magiques de pêche et cette relation intime que les Bozos entretiennent toujours avec les Yégous. Ils ne restent plus des semaines sous l’eau, mais trois heures ne représentent rien d’exceptionnel…

L’initiation, dans cette ethnie, commence dés le plus jeune âge, au fil des jours et de l’eau, la transmission des grandes connaissances, comme le fait d’aller sous l’eau se fait à partir de quarante deux ans, minimum.
Les Yégous ont tant d’or à échanger contre de menus objets que cela exige l’acquisition d’une certaine sagesse. Avant, l’être humain est supposé beaucoup trop superficiel et mercantile…

Pour plus de certitudes sur la vérité de ces récits d’apparences fantasmagoriques, j’effectuerai un autre voyage au Mali, dans une zone différente de la boucle du Niger. Les informations récoltées corroboreront celles de l’itinérance précédente.

Les deux voyages ont eu lieu à la saison sèche, moment où le fleuve est au plus bas, et où seuls restent le long des rives les anciens et quelques jeunes, la majorité de la population ayant migré, à l’image de nombreuses espèces de poissons, dans la région des lacs, aux eaux plus profondes et plus poissonneuses.

Si les Bozos ont accepté de me confier leur intimité mythique et magique avec la faune aquatique et les génies d’eau, il m’a semblé que c’était pour empêcher l’engloutissement de leurs histoires ancestrales dans l’islam qui, comme le christianisme autrefois, a eu raison des pratiques dites païennes. Combien d’anciens ont interrompu brusquement leurs récits quand arrivait  dans notre cercle un dignitaire musulman ?

Peut-être, était-ce également dû à cette confusion existante entre le peuple Bozo, reconnu pour son art de vivre, sa suprématie sur le fleuve, ses affluents et marigots, et la caste des pêcheurs Somonos, regroupant plusieurs ethnies, non initiés aux pratiques et coutumes ancestrales des Bozos.

À Markala, sur une place, cette trompeuse assimilation entre les deux communautés, pris forme dans la sortie de masques et marionnettes dites Bozos.
Seulement, cette ethnie n’a pas d’effigies et le cérémonial représentait la cosmogonie des Bambara. Mais pour les Bozos, très conciliants, cela n’avait aucune gravité puisqu’ils partageaient, avec les Somonos, la même activité depuis des temps très reculés.

Outre la profusion des entretiens, dépassant mes espérances, ce peuple m’impressionne pour sa beauté autant physique que mentale. Incarnations vivantes de la sérénité, don des nomades où l’avoir n’est rien face à la richesse des relations humaines. Ils semblent tous si loin des exigences de la mondialisation que leur vie s’apparente à une utopie.

Et pourtant recréer des liens intimes avec notre environnement  n’est en rien chimérique. Il suffit de soulever certains voiles, incliner les verticales pour que nous puissions à notre tour contempler ces visages qui nous observent tapis dans les troncs, les racines et les remous de l’eau…

La transmission de regards nouveaux emprunts de respect
environnemental  sans drame, ni nostalgie me semble être une priorité de ce début de vingt et unième siècle.

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