Slogan : ni nucléaire, ni effet de serre

Nathalie Pierre

Projet de Nathalie Pierre sur les Bozos et les Yégous >Note Intention>Retour Présentation

Bozos et Yégous, maîtres de l'eau

Dans la trilogie documentaire des peuples Bozos et Peuls, nomades de la Boucle du Niger :

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de Nathalie Pierre


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de Eric Veyssy

Depuis les années 80, le débit du fleuve Niger, considéré comme l’une des plus grandes zones inondées de la planète, a diminué dramatiquement. Des parties entières ne sont plus navigables et forcément de nombreux marigots, lieux de refuges de certains poissons pendant la décrue et lieux de vies de certains génies des eaux, ont déjà disparu.

Dans les ethnies vivant et nomadisant le long du Niger, et de ses affluents, le peuple des pêcheurs Bozos, frères des mythiques Dogons, a toujours été reconnu pour sa suprématie sur les eaux, la faune aquatique et leur synergie avec les génies de l’eau, les Yégous.

Parmi les premiers habitants de la boucle du Niger, ils ont échappé à l’esclavage, car tout grand empire, quel qu’il soit, a toujours eu besoin de ces maîtres des eaux pour franchir « le fleuve des fleuves » et éviter une éventuelle colère des génies aquatiques.

Aussi foisonnants et fascinants que soient les mythes bozos, ils risquent fort de se dissoudre dans les flots du fleuve face au danger que représente l’uniformisation, à l’échelle planétaire, du patrimoine culturel, comme l’atteste l’intromission dans leur héritage spirituel de hauts-faits de la sacralité musulmane et chrétienne.

Convertis à l’islam, Mamadou et Yssouf Kayentao, deux frères Bozos, sédentaires, pêcheurs et passeurs des rives du Bani, s’aperçoivent face à l’imminence des mutations annoncées de l’urgence à s’immerger dans leur histoire ancestrale pour empêcher sa disparition et perpétuer cette relation mythique avec le peuple énigmatique des Yégous.

Ce documentaire de création sera à l’image d’un cabotage au fil de l’eau, entrecoupé de rencontres, de récits légendaires, où s’entrelaceront dans des variations lumineuses le rêve et la réalité.

 

Au départ de Djenné, nous suivrons Mamadou et Yssouf dans leur quête auprès de Bozos détenteurs des savoirs et de leur histoire commune avec les génies des eaux.

Leur navigation nous conduira dans la région du lac Débo, environ 200km de Djenné, où résident saisonnièrement des familles de pêcheurs Bozos, dont certaines possèdent toujours la faculté de rester plusieurs heures sous l’eau en compagnie des Yégous.

De rencontres isolées au fil des berges, où vivent notamment les anciens, nous découvrirons le nomadisme de ce peuple dans de vastes campements bozos.

Au fur et à mesure des entretiens, plongeant chaque fois un peu plus dans le fantastique, nous entrerons progressivement dans l’univers des Yègous.

Comme une vague se formant peu à peu, comme un secret, un murmure qui s’amplifie, nous découvrirons leurs mœurs et les échanges pratiqués depuis la nuit des temps entre ces deux peuples lacustres.

Très souvent, dans l’arbre généalogique des familles ondulent de curieux ancêtres. Chaque marigot, chaque bras du Niger suffisamment profond, a son propre génie, voirs plusieurs, comme la mare ceinturant Djenné qui abriterait douze chefs aquatiques. Par l’intermédiaire des Bozos, les Yégous peuvent prévenir des dangers menaçant la communauté humaine.

Même si en terre africaine le sacré enlace  le quotidien dans des actes souvent anodins, il m’apparaît essentiel pour l’esthétique et la forme de ce documentaire, de différencier ce que la réalité nous offre à voir et les mythes issus, cachés derrière cette apparence, en lui conférant l’aura des rêves durant les entretiens.

L’étrange puissance de la flore, sa capacité d’adaptation avec ou sans eau, appuie cette correspondance entre mythes et biotope. Le paysage, et tout ce qui y participe, n’est plus un simple décor mais une entité. Il suffit parfois de basculer notre ligne d’horizon pour se voir observer par d’incroyables visages… Mamadou et Yssouf seront les passeurs entre ces regards, ces deux appréhensions de l’environnement, réel et fantastique, sur et aux abords du fleuve.

Nous partagerons leur vie fluviale, sans insertions de commentaires d’ordre ethnologique ou naturaliste, ce documentaire de création étant une immersion dans l’histoire singulière des Bozos et des Yégous.

Entre des scènes témoignant du présent où les flots, réceptacles d’offrandes, pourvoient la vie dans cette région sahélienne, des récits fluviaux sur la faune, la flore, la découverte de pratiques et d’engins magiques pouvant notamment appeler les poissons, permettront une autre vision, plus intime, onirique, entre l’Homme et son milieu naturel.

Dans cette ethnie, les hommes comme les femmes participent à la même activité halieutique et à cette même fusion environnementale, reliant chaque être, qu’il soit humain, animal, végétal ou minéral.

Les entretiens donneront lieu à des mises en scènes pour embarquer dans cet espace de parole propre aux conteurs et donner corps à certaines histoires.
Les Yégous ayant l’apparence humaine, la découpe d’une silhouette laissera flotter le doute entre fiction et réalité.

Traditionnellement, et comme je le constaterai à mon égard, la transmission des récits mythiques, en terre africaine, demande énormément de patience, sorte d’exigence des anciens sur la valeur de l’écoute.
Passé cette épreuve, les Bozos partageront généreusement leurs traditions. Mais la collecte de leurs récits traduira une certaine anxiété face aux nouvelles générations. Continueront –ils à préserver cette amitié de si longue date avec les Yégous ?

Mamadou et Yssouf kayentao, guides et récepteurs de cette quête, ont compris, après une première appréhension, due aux forces occultes, qu’ils devaient prendre ce rôle pour la sauvegarde de ces histoires fragiles, rêves en sursis, essentiels pour appréhender et conserver cette osmose entre l’homme et sa planète.

Si lors d’un premier voyage, j’ai été l’instigatrice auprès de ces deux frères de la recherche de leurs traditions orales, dans un soucis de partage et de respect de la transmission des récits initiatiques, ce sont eux qui seront les protagonistes de ce documentaire de création.
Ils reflètent la cosmogonie de nombreuses ethnies où l’origine du monde fait intervenir deux créateurs.

Les deux frères se contenteront-ils juste de collecter leurs traditions orales ou changeront-ils leur art de vivre pour être au plus proche de leurs particularités ancestrales et capables, à leur tour, de plonger pour mieux dialoguer avec les Yégous?

 

Nous sommes façonnés de clichés, notre regard ressemble à un voile opaque, tronqué, mensonger refusant sa vérité aux légendes. Pourtant, notre héritage culturel contient dans les abysses de l’inconscient, ce germe mythique, qui à nouveau sollicité, est susceptible de rejaillir à la surface de notre entendement. Même si dans notre réalité occidentale l’imaginaire semble être devenu un privilège, la multitude de festivals avec un public toujours plus dense et varié, apporte la certitude d’une demande d’évasion, d’instants hors temps.

Nous n’avons de cesse d’apprendre à entretenir des relations plus équilibrées avec l’environnement. Pour éviter leurs stérilités nous ne pouvons plus négliger la collecte, la transmission des savoirs et récits ancestraux, parties intégrantes du patrimoine mondial de l’humanité, mettant en exergue ce profond respect avec la nature alentour.

Dans ce documentaire de création non seulement nous immergerons dans l’univers fantastique des Bozos et des Yégous, de la vie aux abords d’un fleuve, mais basculant, inversant notre vision, nous découvrirons le surprenant regard des paysages.

Les passages d’une rive à l’autre, de la réalité à l’imaginaire, peuvent faire chavirer le lien fragile qui les sépare le temps d’une aventure, celle de deux pêcheurs-bateliers, qui nous invitent à questionner nos certitudes.

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